Depuis le dernier confinement, les obstacles à la transformation numérique des commerces et des petites entreprises tombent. Avec une profusion d’offres gratuites, un accompagnement et Amazon en épouvantail, les astres sont alignés pour que Bercy tienne son objectif : un million de TPE-PME numérisées pour la fin de l’année 2021.
Seules 34% des TPE disposent d’un site internet, tel était le constat réalisé par le gouvernement au moment de la publication, en septembre, du plan de relance. L’exécutif prévoyait des mesures en faveur de leur transformation numérique, avec une campagne d’accompagnement et de sensibilisation par France Num, une subvention à l’intention des PME et ETI du secteur industriel ou encore des audits autour de l’utilisation de l’IA menés par IA Booster.
Mais voilà, deux mois après ces annonces, la France était de nouveau confinée et les petits commerces non-essentiels fermés. La fronde est venue du milieu du livre, qui s’alarmait de ne plus pouvoir vendre ses produits quand Amazon pouvait continuer à livrer. Le géant américain de l’e-commerce a d’ailleurs fait figure d’épouvantail, plus encore que lors du premier confinement, allant jusqu’à contraindre l’entreprise à repousser ses soldes du Black Friday jusqu’à ce que les commerces physiques rouvrent.
En contrepoint, on a entendu chez les personnalités politiques monter, courant novembre, une petite musique : celle du click & collect, une méthode consistant pour un consommateur à effectuer son achat par téléphone ou, mieux, en ligne, pour ensuite venir chez le commerçant chercher sa commande. « Ce sont des tendances qui se retrouvent soudain sous le feu des projecteurs, partout dans les médias », s’en amuse Paul de Fombelle, le directeur général de Sarbacane, spécialiste de l’e-mailing et du marketing numérique. « Lors du premier confinement, c’était la livraison, maintenant c’est le click & collect.» Mais comment donc les deux tiers des TPE et des boutiques, dépourvues ne serait-ce que d’un site internet, pourraient-elles se lancer dans l’e-commerce ?
Un million de TPE-PME numérisées
L’État lance alors un nouveau plan d’aide aux TPE-PME, au premier rang desquelles les petits commerces de biens dits non-essentiels, premiers frappés par cette crise sanitaire et économique. « Pendant le premier confinement, nous avons fait un constat : les commerces qui se sont dotés d’outils numériques ou déjà numérisés avaient des pertes de 25% inférieures à ceux qui n’étaient pas équipés », nous explique-t-on à Bercy. « En septembre, tout un pan du plan de relance se concentrait sur la numérisation des PME et des commerces, c’est la raison pour laquelle lors de ce second confinement nous avons axé immédiatement l’accompagnement de ces entreprises sur ce point-là.»
Première mesure, un accompagnement réalisé par les Chambres de commerce et d’industrie (CCI) et les Chambres des métiers et de l’artisanat (CMA), qui ont pour mission de contacter 60000 entreprises avant la fin de l’année, tandis que France Num, fidèle à sa mission issue du plan de relance, se lance dans l’information continue des initiatives à destination des entreprises. Vient ensuite le volet financier, avec ce chèque de 500 euros proposé à tous les commerces fermés administrativement, soit 120000 entreprises qui pourraient y avoir accès en janvier, afin de les aider à mettre en place des solutions numériques de vente à distance. Le montant de cette enveloppe n’a pas manqué de faire jaser, celui-ci ne permettant guère à une entreprise de financer sa transition numérique. Mais Bercy assure que cette aide a vocation à s’articuler avec le soutien que peuvent apporter les collectivités à leurs commerces. Ce pourquoi l’État débourse-t-il, par le biais de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et la Banque des territoires, 60 millions d’euros pour soutenir à hauteur de 20000 euros par commune le développement des platesformes d’e-commerces locales, à l’instar de #DansMaZone, un site mis en place par la région Occitanie pour permettre à ceux de ses commerces qui ne disposent pas de leur propre site web d'avoir une vitrine en ligne – mais sans dimension e-commerce. La plate-forme est ainsi utilisée par 3772 professionnels, des libraires aux bijoutiers en passant par les vendeurs de jouets.
Objectif de Bercy : un million de petites entreprises numérisées d’ici à la fin 2021, soit les deux tiers des TPE-PME françaises. Or, pour développer ces activités en ligne, Bercy avait mis en place lors du premier confinement une liste référençant des offres dédiées des éditeurs, de Prestashop à Ma Ville Mon Shopping, filiale du groupe La Poste. Des offres qui sont désormais labellisées par l’État et recensées sur un site, clique-mon-commerce.gouv.fr. Au ministère de l’Économie et des Finances, on nous explique que cette plate-forme a pour ambition initiale de permettre aux entreprises « d’avoir une lisibilité de ces offres ». On l’a bien vu entre mars et mai, des dizaines d’éditeurs proposent des promotions, voire passent leurs solutions, pour tout ou partie, en gratuité pour le temps du confinement. Ce qui, pour des dirigeants et des salariés de petites structures sans forcément une grande expertise du numérique, peut générer une certaine confusion quant à savoir qui fait quoi, à quel prix et comment… En ce qui concerne Clique-moncommerce, un certain nombre d’éditeurs, à l’instar de SiteW, de Backmarket ou de SendInBlue, nous signalaient avoir répondu à l’appel à projets de Bercy, mais ne pas avoir reçu de retour à ce jour. Au ministère, on prévient que le traitement est toujours en cours par les services de la DGE, puisque Bercy a reçu « près de neuf cents candidatures ». Leur référencement se fait donc progressivement, «de sorte à ne pas perdre en clarté pour les entreprises au niveau de l’offre ». Trois grands critères président à l’obtention de ce «label» : un tarif a minima préférentiel pour la durée du confinement, l’accompagnement des PME par l’offreur de solutions (tutoriel, support) et enfin la proximité de ces acteurs. Ainsi, la plate-forme Cliquemon-commerce est en mesure de permettre aux petits commerces et entreprises d’identifier les solutions les plus adaptées à leur situation particulière en fonction de leur type d’activité, de leur situation géographique ou encore de leurs besoins spécifiques.
Du temps, de l’argent, des compétences
De l’avis des éditeurs et des commerces eux-mêmes, trois grandes problématiques se posent à ces derniers : le temps, l’argent et les compétences. On peut également y ajouter la logistique. Et tous s’accordent à dire que le confinement joue un rôle d’accélérateur dans la transformation numérique des TPE-PME. « J’ai toujours trouvé que la transition était très lente, déjà en l’an 2000 je râlais lorsque que je ne pouvais pas trouver les horaires de mon épicerie sur Internet », nous explique Fabien Versange ; un constat qui l’amènera à fonder SiteW, une plate-forme de création de sites, notamment e-commerce. « Le confinement a fait prendre conscience qu’une autre voie est possible, que le numérique ne s’oppose pas au physique et que la transformation est nécessaire sur le long terme pour faire face à la concurrence des géants.» Bruno Doucende, directeur général de Synertic, éditeur de Shapper, une solution de création d’applications mobiles e-commerce, abonde dans ce sens : « Pour les petites structures, le numérique n’est souvent pas la préoccupation première parce que d’une part cela semble compliqué, et d’autre part il apparaît comme un effet de mode. Avec le confinement, les commerçants se posent vraiment la question des services complémentaires de leur point de vente.» Car le confinement et les fermetures administratives ont accordé aux entreprises ce qui leur manquait : du temps, notamment de prendre du recul sur les services en ligne et de réfléchir au développement de leurs propres sites. Pour autant, elles n’ont jamais eu aussi peu d’argent et l’aspect humain, à travers la question des compétences, ne s’est pas magiquement résolu pour autant. C’est là que les éditeurs entrent en jeu.
Car des offres dédiées en cette période de crise, il y en a. Une pléthore même. Nombreux sont les éditeurs de solutions qui passent tout ou partie de leurs outils au gratuit, ou proposent des tarifs particulièrement avantageux. Par exemple Klaxoon met à disposition gratuitement l’ensemble de ses outils collaboratifs pour trois mois, tandis que LegalStart s’engage à accompagner les commerces et les collectivités pour leur permettre de d'offir du Click & Collect, livraisons et autres fonctions d’e-commerce dans le respect du cadre légal et à accomplir l’ensemble des démarches administratives et juridiques en amont et en aval. Du côté de Ma Ville Mon Shopping, les frais d’inscription sont abandonnés pour l’ensemble des commerçants qui souhaiteraient y créer leur site d’e-commerce, tandis que les frais de commission et la livraison de proximité sont offerts pour les commerçants dans les territoires partenaires, et réduits pour les autres de 9 à 5,5% du montant des ventes.
SiteW, pour sa part, offrait gratuitement l’ensemble de ses fonctionnalités payantes jusqu’au 4 janvier, et envisage de prolonger cette promotion si le confinement devait durer; dans le cas contraire les commerçants auront le choix de repasser à l’offre gratuite classique, ou de souscrire à la version premium.
Shapper, la solution de création d’apps mobiles d’e-commerce de Synertic, propose de son côté 25% de réduction sur ses offres quand Wizaplace, éditeur de marketplace, fait table rase des frais d’installation, tout de même évalués en temps normal à plusieurs milliers d’euros.
Backmarket, fleuron français du reconditionnement de produits électroniques, va ainsi proposer ses marketplaces gratuitement pendant six mois, offrant en outre les frais de transport pour les dix premières commandes, ainsi que les frais de SAV pour les trente premières commandes.
On pourra également citer RingCentral, entreprise américaine spécialisée dans les communications unifiées, qui offre gratuitement RingCentral Office, sa solution unifiée pour la messagerie, la vidéo et la téléphonie cloud, aux centres de soins, aux écoles, aux entreprises du secteur des médias, aux entreprises du secteur public et aux organismes à but non lucratif.
SendInBlue, encore, propose gratuitement pour six mois son offre premium, comprenant l’envoi de 120 000 mails par mois, l’optimisation automatique des heures d’envoi, l’accès à Facebook ads, l’éditeur de landing pages, le marketing automation en illimité, l’accès multi-utilisateur et les fonctionnalités de chatbots, tandis que Sarbacane met gratuitement à disposition sa plateforme Sarbacane Chat ainsi que sa plate-forme d’envoi de SMS marketing, et pour le mailing, là encore un accès gratuit pour toute la durée de la crise à hauteur de 1500 envois et une réduction de 50% pour les besoins au-delà de ce plafond.
Vendre en ligne
En bref, les éditeurs ne veulent plus que l’argent soit un frein pour les commerçants dans leur transformation numérique. Ne reste plus que la question des compétences, un point sur lequel les petites entreprises, qui ne disposent pas nécessairement du capital humain pour mener leur transition, risque de buter. Et certains outils parmi les plus connus ne vont pas arranger les choses. Un WordPress, souvent idéal pour créer un site vitrine, exige moult manipulations pour l’adapter à l’e-commerce, avec une intégration par exemple du plugin Woocommerce, ainsi que des divers moyens de paiement, etc. Prestashop, pour sa part, s’avère complexe et propose des fonctionnalités très avancées qui ne parleront sans doute pas à l’épicier ou à la maroquinerie du coin de la rue. C’est alors que la notion de proximité prend tout son sens.
Poussé par la communication du gouvernement, Ma Ville Mon Shopping semble être devenu un acteur majeur de l’e-commerce appliqué aux petites boutiques. Devenue une filiale de La Poste en 2018, la plate-forme a été fondée autour de l’idée que le numérique doit venir en complément du commerce physique et être accessible facilement au commerçant. « L’interface est simple et, en cinq minutes, le commerçant peut avoir créé sa boutique, il ne reste plus après qu’à renseigner son catalogue », indique Thierry Chardy, fondateur et dirigeant de Ma Ville Mon Shopping. Si l’entreprise est déjà équipée de fiches produits et d’un inventaire dématérialisé, il lui suffit de connecter ses outils existants. Dans le cas contraire, il n’a qu’à renseigner des cases (prix, photo, description) dans une page dédiée qui reprend la fiche produit affichée au client, avec des possibilités de personnalisation si nécessaire. S’y ajoutent, filiale de La Poste oblige, des modes de distribution des produits s’appuyant sur la logistique du groupe postal, avec le disponible à la réservation, le Click & Collect et, surtout, la livraison de proximité. « L’objectif est d’intégrer au maximum la partie logistique parce qu’elle s’avère compliquée en temps normal, où le commerçant doit trouver le temps de faire le colis et d’aller à la poste. Avec notre plate-forme, le commerçant n’a le plus souvent pas de colis à réaliser, dans un format proche du click & collect sauf que ce n’est pas le client qui se déplace en magasin, c’est le facteur qui lui livre.»
SiteW, pour sa part, n’a pas le côté marketplace de Ma Ville Mon Shopping, mais permet lui aussi à un commerçant de créer très simplement sa boutique en ligne. « Notre site, on l’a construit tel qu’il va apparaître, avec une interface visuelle et du drag and drop des différents modules – boutique, panier, moteur de recherche, etc. Ce qui laisse en outre beaucoup de libertés à l’utilisateur, puisque nous supportons toutes les banques, tous les transporteurs, ce qui rend possible la livraison comme le click & collect, avec des outils de création de fiches produit, de catégories, de newsletters… tout ce dont les petits commerçants ont besoin », nous explique Fabien Versange, CEO de SiteW, qui ajoute que les modules de la plateforme s’adaptent aux besoins des utilisateurs. « Par exemple, nous n’avons pas eu beaucoup de demande sur du PIM mais, dès qu’on commence à voir apparaître sur notre support une demande sur une fonctionnalité qui n’existait pas, nous la mettons dans notre roadmap.»
Wizaplace va plutôt s’adresser à un groupement de commerçants ou à une collectivité. Cet éditeur développe en effet des marketplaces pour ses clients. Son approche est très différente de SiteW ou de Ma Ville Mon Shopping : la conception se fait côté Wizaplace. « Ce n’est pas du Do It Yourself, c’est d’ailleurs tout l’intérêt : nous voulons que nos clients se concentrent sur le business », souligne son patron, Éric Alessandri. Mais avec une dimension d’accessibilité sur toute la partie back office, notamment pour le renseignement de catalogue, des vendeurs, des modes de livraison, des frais de port. « On est vraiment une brique SaaS, ce n’est pas plus complexe que d’utiliser Word et Excel et ne nécessite absolument pas de savoir coder : 10% de nos clients ont un développeur dans l’équipe », précise-t-il. D’autant que Wizaplace s’interconnecte par le biais d’API à 250 autres services, facilitant si nécessaire les tâches que l’utilisateur doit effectuer; si besoin, car la solution est standalone, elle n’a pas besoin de s’interconnecter à un autre outil. « Avant, il fallait entre un et trois ans pour lancer une marketplace, avec une énorme surcouche de services à mettre en place et un investissement important. Avec Wizaplace, qui fonctionne seul, on peut déployer une marketplace en une heure, le client n’a ensuite plus qu’à la remplir.»
On l’a bien compris, nombre d’éditeurs vont mettre l’accent sur la rapidité et la facilité de déploiement de sites d’e-commerces et de marketplace. Par exemple, Backmarket va s’occuper de la création de marketplaces pour tous les commerçants qui font du reconditionnement, les boutiques mais aussi des entreprises économiques et sociales et des associations, et assurer le support. Shapper, la solution de Synertic, va offrir la possibilité de créer une application mobile à travers un back office web. Synertic gère la partie conception, laissant au commerçant le soin de renseigner son catalogue, ses moyens de paiement (lire encadré)… «Développer ou faire développer une application mobile requiert des compétences, du temps et un investissement considérable pour une petite entreprise », explique le CEO de Synertic, Bruno Doucende. « Shapper va permettre de créer des apps sans connaissance en programmation et en quelques clics, personnalisables et pouvant se connecter à des systèmes d’information tiers.»
Garder le contact
La transformation numérique des commerces ne passe pas seulement par la mise en place d’une boutique en ligne. Comme l’explique Mikaël Rizzo, boucher à Venelle, il est indispensable de communiquer. La plupart des platesformes et des éditeurs d’e-commerce proposent des fonctionnalités de messagerie, de messages push et autres. Mais certains voudraient aller plus loin. RingCentral est un géant américain de l’UCaaS, pour Communications unifiées as a Service. Il dispose d’une petite activité en France depuis quatre ans, mais s’y est véritablement implanté avec le rachat en novembre 2018 du Français Dimelo. « Nous travaillons un peu sur les deux tableaux, les communications interne et externe. Depuis mars, ou on se retrouve deux fois en confinement, nous avons pu observer une numérisation à marche forcée, pas toujours faite dans les meilleures conditions », indique Julien Rio, directeur marketing de RingCentral en France. Or, aussi bien sur la brique centre d’appels que sur les communications internes, les entreprises ont pu constater que gérer leurs équipes en présentiel et en télétravail étaient deux choses bien différentes. « Il est important d’avoir un acteur qui va accompagner et proposer gratuitement le temps que les utilisateurs se familiarisent à l’outil, parce que personne n’a envie en période de crise de s’engager pour 36 mois », remarque Julien Rio, qui note qu’il s’agit moins de se familiariser avec un outil en particulier qu’avec la notion de communication unifiée, un domaine porteur mais encore mal connu des entreprises de petite et moyenne taille. « Avec l’offre RingCentral, on a deux aspects qui rendent les choses plus simples : le Cloud, qui évacue les problèmes d’installation et de connexion de Ring Central Office à d’autres services cloud, et notre activité de marketplace pour les platesformes tierces qui permet une intégration out of the box ». Plus tout est intégré, plus l’usage est facile, à condition de bien accompagner l’utilisateur sur ce point, ce à quoi l’éditeur s’est engagé. « D’autant que c’est du gagnant-gagnant », précise le directeur marketing, « quand tout est intégré, on n’a plus envie de sortir de cet écosystème.»
Sur un versant plus classique de la communication externe, le mailing reste un des principaux vecteurs du marketing numérique, malgré les prédictions récurrentes de la mort à venir de l’e-mail. Candice Gasperini, Head of Global Brand chez SendInBlue, nous rappelle que 90% de ses clients « ont moins de cinquante employés », et que, lors du premier confinement, la plate-forme a observé « un afflux massif de clients, dont certains pas du tout équipés ». En novembre, rebelote et SendInBlue étend la gratuité de son offre premium. Si l’outil se veut très simple d’usage, l’entreprise a lancé un nouveau dispositif d’accompagnement. « Nous avons monté une équipe d’une trentaine d’employés bénévoles qui va dédier 3 heures par semaine à l’accompagnement des clients qui optent pour cette offre gratuite », annonce Candice Gasperini. La priorité des commerces est d’être capable « de vendre pendant Black Friday et périodes des fêtes. Ce pourquoi nous apportons le maximum d’informations sur comment se digitaliser et comment communiquer avec le client quand on n’est plus en physique ».
Chez Sarbacane, autre acteur français du marketing en ligne, il est essentiel que les clients aient « tout de suite les résultats de notre accompagnement » selon Paul de Fombelle. Près de la moitié des utilisateurs de Sarbacane sont dans le B2B. Or ces acteurs ont été confrontés à une problématique dans leur chasse commerciale lors du confinement. « Là où ces profils procédaient par rendez-vous physique et chasse téléphonique et investissaient vers une optique court terme, ils ont dû changer leurs pratiques lors des confinements et se tourner vers l’utilisation d’outils numériques. C’est l’accélération brusque d’une tendance existante ». C’est dans ce genre de situations que les éditeurs doivent intervenir, pour soutenir ces entreprises et les assister dans leur transformation. Et sur ce sujet, Paul de Fombelle joue franc jeu : « Le raisonnement est double : d’un côté, on ne peut nier qu’il est intéressé puisqu’il pousse l’adoption et la rétention de nos solutions, de l’autre nos activités sont boostées par la crise. Nous avons conscience de ce privilège et souhaitons apporter notre pierre à l’édifice, en accompagnant des entreprises à poursuivre leurs activités autrement.»
Des entreprises plus matures au numérique
Et les entreprises y souscrivent ! Fabien Versange, chez SiteW, signale que cinq cents nouveaux sites sont créés chaque jour, comparé à une base de trois cents en période normale. Les chiffres sont similaires du côté de Ma Ville Mon Shopping, avec « cinq à six cents nouvelles boutiques qui se crééent tous les jours », selon Thierry Chardy. De très gros pics chez Sarbacane ou encore RingCentral, avec une tendance, entre les deux confinements, à un nombre de demandes plus élevé qu’en période normale. « Wizaplace avait trois demandes par mois pour dématérialiser des zones commerciales, désormais c’est autour de quatre demandes par jour ouvré », selon son CEO. Les commerces, les TPE, les PME se lancent donc dans leur transformation numérique, mais ces pics ne sont pas de même nature que ceux observés lors du premier confinement. La nature des demandes elle-même a évolué. « Lors de la deuxième vague on a observé des questions de plus en plus pointues et des équipes plus alertes. Au premier confinement, c’était le branle-bas de combat : il fallait y aller sans se poser de question autre que la rapidité. Aujourd’hui les entreprises se posent les questions de l’intégration, de la sécurité, de la localisation des données : il y a une meilleure compréhension de leur problématique au-delà du “Il me faut quelque chose qui fonctionne demain matin!”»
Les commerces et les entreprises sont désormais plus matures, un constat que partage le patron de Sarbacane : « Au second confinement, on a senti que tous étaient prêts, savaient réagir, étaient équipés. On est sur du long terme, ça va rester et se maintenir pour ceux qui sont prêts.» En ce qui le concerne, Thierry Chardy note que la sensibilisation au numérique avait déjà commencé en 2018 et 2019 mais qu’il demeurait une vraie incompréhension de ce que doit faire le numérique. Or, aujourd’hui, les commerces ont bien compris « que le web apporte de nouveaux services à leurs clients, surtout dans un contexte de confinement, et que plus largement le numérique ne les dessert pas », selon lui. Car longtemps, les commerces se refusaient à « faire comme Amazon », le géant de l’e-commerce servant d’épouvantail et d’excuse bien commode. Du moins tant que le commerce physique tournait encore. Pour Candice Gasperini, Amazon prend une part de marché grandissante, « Oui, mais parce que les PME ont tout à jouer avec le numérique et elles bénéficient d’un attachement à la marque ». Car on préfère encore aller chez le boucher du coin que sur Amazon, une logique vraie pour bon nombre de produits ! À cela s’ajoute une envie de plus en plus prégnante de consommer local, qui peut jouer en faveur des commerces de proximité, y compris lorsque leurs boutiques sont fermées... à condition d’être en ligne.
Mon boucher sur mon smartphone
Mikaël Rizzo, boucher à Venelle depuis 2012, se considère comme un geek. Il a toujours eu dans l’idée de « digitaliser le métier ». En 2015, il crée une société en parallèle à sa boucherie, et développe un site responsive qui « permettait de payer en une fois plusieurs achats auprès de plusieurs commerces de la ville, et ensuite d’aller chercher ses produits dans les boutiques physiques ». La tentative s’avère malheureusement infructueuse mais Mikaël Rizzo ne baisse pas les bras. « Je me suis mis à chercher une entreprise qui me fasse une appli et qui réalise un suivi. J’ai trouvé Shapper par hasard.» D’autant que l’éditeur est installé dans une ville voisine. « Je les ai contactés vers la fin 2018, à l’époque ils n’avaient pas encore la partie boutique, mais ils me partagent un accès beta. On a développé au fur et à mesure mon application, avec un premier jet de la boutique en juin 2019 et une ouverture au client en décembre 2019.» Le délai s’explique d’une part parce qu’il s’agissait de l’une des premières boutiques conçues par Shapper, et ensuite par le remplissage du catalogue, qui est selon le boucher « très long à mettre en place au début, avec notamment des photos des produits, ce qui demande du temps ». Heureusement, les produits ne varient guère sinon en fonction de la saisonnalité (on pensera évidemment aux barbecues aux beaux jours) et des plats cuisinés qui eux, changent tous les jours. « Je suis en train de mettre en place des recettes, avec des liens pour composer son panier en fonction de la recette, ce genre de petits services…», ajoute Mikaël Rizzo. Ce que l’application mobile lui a apporté ? Du chiffre d’affaires ! « Nous avons ouvert à la fin 2019 et, en mars dernier, nous avons multiplié le nombre de commandes par 50 en une semaine. Cette année est très particulière et les clients trouvent nécessaire de commander sur l’appli. » Ainsi, entre décembre 2019 et septembre 2020, sa boucherie a multiplié par 20 le nombre de commandes. Avec un gain de temps considérable : « On perd beaucoup moins de temps au téléphone parce que les clients passent par l’app. J’ai dû gagner environ 30% de temps d’appels. Autre avantage, les clients peuvent commander en dehors des horaires d’ouverture. » En bref, le numérique dans sa boucherie, ce sont des bénéfices non négligeables. D’ailleurs, aux yeux de Mikaël Rizzo, le numérique «e st aujourd’hui incontournable. Je ne vois pas comment faire sans, mais il ne faut pas non plus le faire n’importe comment. Il faut en avoir l’envie, communiquer dessus et s’en occuper, un peu comme sa boutique physique.»
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Dossier paru dans le magazine L'Informaticien n°192 (pp. 10 à 15). Cliquez ci-dessous pour télécharger la version PDF. Accès réservé aux abonnés ToutNum et Num+Mag.
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