Les smartphones 5G ont été passés sous silence lors du salon. Ici le V50 ThinQ, premier terminal 5G de Huawei.À L’OCCASION DU MWC, UNE POIGNÉE DE CONSTRUCTEURS ONT PRÉSENTÉ LES PREMIERS SMARTPHONES 5G DU MARCHÉ… SANS QUE CES ANNONCES AIENT EU UN GRAND ÉCHO. LES VÉRITABLES STARS DU SALON ÉTAIENT EN EFFET LES TECHNOLOGIES ET LES FONCTIONNALITÉS APPORTÉES PAR LA 5G : CAR ELLES POURRAIENT BIEN VITE SE RETROUVER TRANSPOSÉES DANS LES ENTREPRISES.
Dans les allées du Mobile World Congress édition 2019, la 5G s’affichait absolument partout. Si elle était déjà très présente l’an passé, elle aura été cette année véritablement endémique. Pas un seul des géants des smartphones, des télécommunications ou des équipements réseau n’a fait l’impasse sur le terme, toujours bien visible. Et, enfin, les premiers smartphones 5G ont été annoncés mais sont passés relativement inaperçus, éclipsés notamment par les terminaux pliables de Samsung et Huawei. Également faute de réseaux commerciaux véritablement déployés à grande échelle. Lors du Salon, on a finalement plus parlé de technologie que de terminaux.
Les trois piliers de la 5G
Jean-Francois Rubon, Vice President for Strategy & Partnerships de la branche Mobile Services & IoT de Gemalto, nous rappelle que le but de la 5G « n’est pas de remplacer la 4G, contrairement à la 4G qui a l’intention de tuer la 3G. C’est de cette façon que la technologie a été définie : la 5G va venir compléter la 4G ». Il distingue trois branches « communément admises » à la 5G, à commencer par « la partie émergée de l’iceberg » le très haut débit, pour lequel il estime que la majorité des usages « n’ont pas encore été inventés ».
Moins visible du public, on trouve encore la partie « communications critiques », laquelle met l’accent sur la très faible latence et un niveau de sécurité élevé. Automobile autonome, IoT industrielle ou encore télémédecine : « Ce n’est pas le débit que l’on cherche ici, mais bien que la donnée arrive à l’endroit prévu et au bon moment. » Enfin vient l’IoT de masse, ou massive IoT, qui va s’appuyer notamment sur les couches NB-IoT et LTE-M de la 5G. Sont recherchés ici des devices autonomes et surtout peu coûteux. « Les usages de la 5G ne sont pas les mêmes que la 4G », souligne le vice-président.
Mais, sur un même réseau, comment profiter de l’ensemble de ces fonctionnalités ?, ici, la faible latence pour des services d’urgence… là, le haut débit pour la vidéo 4K et sans compter les milliers de capteurs installés partout. Nous avons déjà évoqué à plusieurs reprises dans nos pages le network slicing, technique consistant à couper des tranches de réseaux, chacune se voyant attribuer une fonction particulière. Autre fonctionnalité permise par la 5G, le spectrum sharing, un sujet toujours étudié par la 3GPP. Qualcomm, par exemple, est en pointe sur le sujet. Le géant des semi-conducteurs explique que le partage du spectre doit offrir à l’utilisateur final « des avantages en termes d’efficacité, de vitesse, de bande passante garantie et de qualité de service accrue, tout en permettant aux opérateurs ayant peu ou pas de blocs de fréquences d’offrir des services 5G. » Chez NEC, on nous explique que la 5G aura pour avantage de pouvoir modifier la taille des tuyaux en fonction des besoins, « offrir des services différenciés » selon les usages, grâce à la gestion logicielle du réseau.
Outre l’entreprise, la 5G devrait jouer un rôle crucial dans le développement des villes intelligentes de demain.
La neutralité ? Pas chez moi !
Mais leur mise en œuvre risque de se heurter à un obstacle réglementaire de taille : le principe de neutralité. Celui-ci ne s’accommode guère des services différenciés. Il est bien un cas dans lequel le réseau pourra s’affranchir des règles relatives au principe de neutralité : lorsqu’il est privé. En d’autres termes, ce sont les entreprises qui ont le plus à gagner de cette nouvelle technologie. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si la plupart des cas d’usages concrets aujourd’hui ont pour scène ici un chantier, là une usine et pourquoi pas un entrepôt… Bon, il ne faudrait pas non plus trop se projeter en avant : effectivement, le segment réseau 5G privé d’entreprise « est faisable en théorie », souligne-t-on sur le stand Orange, « mais en pratique la faisabilité dépendra de la rentabilité du business model sous-jacent ». Un constat partagé par Jean-Francois Rubon, chez Gemalto, pour qui il reste aux opérateurs « de mettre en place les business model qui vont avec ». Inutile donc de tirer des plans sur la comète : il faudra attendre la mise en place par les opérateurs de leurs réseaux 5G, et leur commercialisation, avant que ne se pose véritablement la question des réseaux privés. Ce qui n’empêche nullement les acteurs du secteur de réfléchir à la question.
Évidemment, au MWC, on trouve de tout. À l’instar de ce drone-taxi 5G. De nombreuses applications et usages se concrétisent, notamment dans les domaines de l’automobile, de l’usinage et du divertissement. Et ils sont nombreux à chercher comment la 5G pourra apporter de la valeur aux entreprises, généralement au-delà du seul très haut débit.
Des tranches de réseau, comme montrées ici par Orange, permettront d’avoir différentes fonctions et, au besoin, de les prioriser.
Chez Samsung, on considère un modèle de réseau privé en entreprise ou sur un site industriel tout à fait plausible. « La 5G permettra d’optimiser certaines manières de travailler, notamment par la possibilité d’un contrôle à distance des machines industrielles plus sûr et précis, à travers la Near Zero Latency et les promesses en termes de très haute disponibilité, qui atteint 99,999 % au niveau des nœuds », entend-on sur le stand du Sud-Coréen.
Du côté d’Ericsson, le discours est le même. On y met toutefois l’accent sur la couche IoT : la 5G, au cœur des réseaux de capteurs de demain. « Du point de vue de la gestion et de l’orchestration des réseaux, la 5G apporte la scalabilité et la gestion des assets, pour des coûts moindres que les technologies existantes. »
Qualcomm fait ici la démonstration du CoMP, qui permettra de gérer plus efficacement la bande en fonction des besoins dans l’espace et le temps.
La 5G, c’est d’abord pour les entreprises
Retour chez Qualcomm. Si la réalité virtuelle ou l’automobile autonome semblent rencontrer le plus franc succès sur son stand, il aurait été dommage de passer à côté de sa démo du « spectrum sharing » appliqué à petite échelle. La démonstration du CoMP, pour Coordinated MultiPoint, est appliquée à de plus petites structures qu’une ville, un site de production par exemple. « Ce sont des systèmes distribués avec des antennes indoor », explique le démonstrateur. Sans entrer dans les détails très techniques du CoMP, résumons le à du « calibrage temporel et spatial », ou SDM, pour Spatial Domain Multiplexing, et TDM, pour Time Division Multiplexing, permettant d’utiliser l’ensemble du spectre sans interférence sur une même bande de fréquence. Les réseaux 5G d’entreprise, Qualcomm y croit : « Les opérateurs joueront un grand rôle, évidemment, mais d’autres acteurs sont amenés à se greffer à la 5G, qu’il s’agisse de collectivités, d’industriels, d’entreprises des secteurs de l’énergie, des transports…» À ce titre, on nous remémore pour la France l’ouverture du guichet d’expérimentations 5G par l’Arcep à des acteurs tiers autres que nos seuls opérateurs télécom, « ce qui est une excellente initiative » selon ce cadre chez Qualcomm.
Le cabinet Gartner suggérait récemment que les entreprises cherchant à améliorer leurs réseaux pourraient être un des moteurs de la 5G, par le développement de réseaux privés. Mais aussi par les entités, publiques comme privées, désireuses de développer de nouveaux business models dans l’IoT – par le biais le massive IoT notamment –, la smart city, la business intelligence… Les analystes estiment, sans grande surprise vraiment, que la 5G aura un impact important dans de nombreux secteurs.
Du côté des équipementiers réseau, on indique que le matériel est prêt, testé parfois en conditions réelles à travers des PoC et qu’il n’attend plus qu’à être déployé. À l’autre bout de la chaîne, les constructeurs de smartphones ont dévoilé leurs premiers terminaux 5G, tandis qu’une grande variété d’objets a vocation à se connecter à la 5G. Ne manque donc plus que l’attribution, en France, des fréquences aux opérateurs télécom… mais aussi à d’autres acteurs qui pourraient avoir un intérêt à disposer d’un petit bloc du spectre. Au cours des deux prochaines années, le terrain de la 5G va donc être défriché par une multitude d’acteurs. Au Mobile World Congres, le terme affiché partout semble finalement interroger le passant : « … et pourquoi pas vous ? » ❍Ceci est un drone. Et un taxi ! Le tout est connecté en 5G. Malheureusement, aucune démonstration live n’aura été effectuée.