Entrepreneur talentueux, défenseur d’un Internet décentralisé ou simple opportuniste ? La personnalité du nouveau propriétaire de la plateforme pionnière des torrents divise. L’histoire cahotique de BitTorrent promet de l’être encore un peu plus.
BitTorrent, géant du partage de fichiers en P2P, n’a pas toujours navigué en eaux calmes, loin de là. Grâce à sa centaine de millions d’utilisateurs actifs (et des poussières) et aux revenus de la publicité au début des années 2010, la plateforme était une petite entreprise prospère. Et comme toute entreprise prospère, elle a multiplié les projets.
En 2013, elle s’essayait au streaming musical en peer-to-peer avec BitTorrent Live, puis l’année suviante à la messagerie chiffrée et décentralisée avec Bleep, sans oublier sa technologie BitTorrent Sync. En 2015, c’est avec une application mobile de partage de contenus, Shoot, qu’elle s’illustrait. En 2016, avec deux nouveaux PDG et le P2P mis à mal par le streaming, la plateforme lançait BitTorrent Now, un service… de streaming.
BitTorrent en eaux troubles
Mais la diversification n’a pas vraiment profité à BitTorrent, d’autant plus que sa base utilisateurs s’érodait. En 2016, les deux PDG Robert Delamare et Jeremy Johnson étaient limogés six mois après leur prise de fonction. BitTorrent Now a pour sa part été fermé l’an dernier quand BitTorrent Sync est désormais une entité indépendante, Resilio, tournée vers le marché entreprise. En d’autres termes, il ne restait plus grand-chose de BitTorrent.
Torrentfreak nous informe que la plateforme vient de se vendre, pour un montant qui n’a pas été dévoilé. Le rachat lui-même n’a d’ailleurs toujours pas été officiellement confirmé. Son acquéreur : un certain Justin Sun. A en croire son profil LinkedIn, Justin Sun est sorti de l’Université de Hong Kong avant d’acquérir un diplôme d’histoire à Beida (l’université de Pékin) et un master d’économie politique de l’Université de Pennsylvanie.
Héros ou escroc ?
Après avoir travaillé entre 2013 et 2016 pour Ripple en Chine continentale, tout en étant dans le même temps fondateur et PDG de Peiwo, une startup chinoise à l’origine d’une application de livestreaming audio, il a fondé en avril 2017 la fondation TRON et le cryptoactif TRX, dont la capitalisation boursière s’élève à 4,8 milliards de dollars. Le jeune entrepreneur se décrit en outre comme un « protégé » de Jack Ma, le patron d’Alibaba.
Justin Sun a pour ambition affichée de décentraliser Internet, peut-on lire ici et là. Difficile à confirmer ou infirmer, l’entrepreneur énonçant sur son compte twitter de (très) nombreuses ambitions. La blockchain TRON, pour sa part, s’est fixée pour but d’aider les créateurs à travers le monde à profiter de leurs œuvres et à les diffuser à travers un réseau de divertissement « mondial ». Et à ce sujet, The Next Web a en janvier dernier publié un excellent article au sujet de la startup (en anglais). On ignore encore quels sont les projets de Justin Sun pour BitTorrent mais, à la lumière de l’article de notre confrère, les salariés de la plateforme de partage auraient bien raison de s’inquiéter.