Bitcoin, Apple Pay, Slimpay… Les moyens de paiement mobile ou les plates-formes de démonétisation de l’argent liquide se multiplient. Certains imaginent déjà un monde sans cash. Cela n’est pas pour tout de suite, vous pouvez remettre vos billets sous le matelas ! Mais de 5 à 10 % du marché du paiement seront pris par les crypto-monnaies d’ici à 2030, selon un expert américain, ancien directeur d’une compagnie de services financiers.
Au-delà de ces pseudo monnaies, la technologie sous-jacente, dite blockchain, peut devenir le pivot des prochains services financiers ou le support des principales transactions bancaires dans le futur. Le Nasdaq, pas aussi dépassé qu’on le croit, voit le marché de la blockchain atteindre 14 milliards de dollars en 2022 avec un taux de croissance pondéré de 42,8 % par an.
Des exemples dans le monde entier
Pourquoi cet engouement ? Tout simplement parce que la technologie va permettre d’accélérer le nombre de transactions opérées par le consommateur tout en assurant un bon niveau de sécurité et de confiance. De nombreuses opportunités se présentent dans le secteur des cartes bancaires ou dans le commerce de détail. Deuxièmement, la facilité d’utilisation va être déterminante. L’utilisateur ne sera plus lié aux heures classiques d’ouverture des opérateurs financiers ou des commerces.
Cette dématérialisation de l’argent liquide est déjà en place dans de nombreux pays. En Suède, le pays le plus en pointe dans le domaine en Europe, les paiements en argent liquide ne représentent qu’un peu plus de 41 %. Sur le reste des transactions, certains estiment que seulement 3 % se réalisent avec de l’argent liquide. En conséquence, 70 millions de billets de banque sont sortis du circuit financier dans ce pays ces quatre dernières années. Neuf cents agences bancaires suédoises ont arrêté de fournir ou de prendre des dépôts en argent liquide. Certaines de celles-ci ont même fermé les distributeurs automatiques de billets à l’extérieur de leurs locaux.
En Espagne, Visa a expérimenté la possibilité de passer une journée entière sans argent liquide dans la poche. En Chine, l’expérience fait partie de la vie quotidienne avec les systèmes de paiement d’AliBaba ou de Tencent. Réservations, repas au restaurant, demandes de services se passent sans sortir le moindre Renminbi à partir du téléphone des clients. Les transactions par ces systèmes ont atteint les 5 000 milliards de yuans en 2016. Dans le même ordre d’idée, un employé de Visa a vécu deux cents jours en Inde sans argent liquide. Je ne peux que vous inviter à aller sur leur site pour lire le compte-rendu de son expérience.
Au Kenya, les systèmes de paiement mobiles permettent à une population le plus souvent sans banque de passer des transactions et d’accéder à des fonds. Le système M-Pesa, utilisé localement, compte 30 millions d’utilisateurs qui totalisent 529 transactions par seconde. Par ce biais, des centaines de milliers de personnes ont été sorties de la pauvreté en leur permettant de lancer une petite activité commerciale. Au Ghana, les fermiers d’un district se sont regroupés pour créer une sorte de coopérative. Un des membres va vendre les marchandises sur le marché de la ville la plus proche et repartage les fonds reçus à travers un téléphone mobile. Ces pays en développement vont être le théâtre des principales évolutions dans le domaine pour combler les lacunes des infrastructures bancaires dans ces régions. Aux États-Unis, peu de gens croient à une réelle économie sans cash mais les experts financiers prédisent que les prochaines générations seront plus disposées à accepter ce type de transaction. Ils s’accordent sur le fait que 80 % des transactions s’effectueront sans espèces en 2030.
La difficulté relevée est pourtant de faire la conjonction d’un client, d’un marchand et d’une infrastructure, qu’elle soit bancaire ou non. C’est là que le bât blesse. L’employé de Visa a été parfois obligé de faire des trajets de 9 kilomètres à pied. Son téléphone était déchargé et aucun point pour refaire le plein n’était disponible à proximité. Plus grave, Visa a indiqué que l’incident qui a touché sa plate-forme récemment avait compromis 5,2 millions de transactions de citoyens britanniques. Il est vrai que l’incident est intervenu au plus mauvais moment : un vendredi en début de soirée, l’heure où les consommateurs d’outre-manche se pressent dans les magasins ou dans les pubs avant d’aller au spectacle.
De fortes résistances
En Suède, la résistance s’organise face à ce phénomène, non pas pour l’arrêter mais pour qu’il ne dépasse pas certaines limites en laissant des gens au bord de la route faute de moyens ou de posséder un téléphone adapté. Plus globalement, un sondage récent non publié par la banque centrale européenne reconnaît que la majorité de la population est contre ce modèle sans cash et que 80 % des opérations dans les points de vente se réalisent encore en argent liquide.
Les détracteurs y voient surtout une possibilité d’augmentation des inégalités entre ceux qui maîtrisent les transactions numériques et ceux peu habitués à les utiliser. Certains vont plus loin et considèrent qu’il s’agit d’une attaque de plus contre notre vie privée et notre liberté. D’autres pointent le fait qu’avec une commission à chaque transaction le système ne fait qu’enrichir les banques et autres intermédiaires financiers sans véritable apport pour le client final. Ce système placerait les consommateurs aux mains des banques et risquerait de les placer dans des conditions difficiles en cas d’augmentation des frais de transaction ou des taux d’intérêts. Sur ce dernier point on peut se demander si cela changerait vraiment la donne : 23 % des Français se retrouvent à découvert chaque mois pour un montant global à la fin de 2016 de 7,6 milliards €.
Plus que ces questions plus ou moins philosophiques, le fait est que lorsque la technologie déraille les consommateurs se retrouvent sans alternative. Quand celle-ci fonctionne, encore faut-il trouver le commerçant acceptant la plate-forme et la monnaie utilisée. Aujourd’hui, plusieurs banques françaises ont mis Apple Pay dans les possibilités d’utilisation de leurs services. Combien de commerçants parisiens acceptent Apple Pay ? Je vous donne la réponse : au maximum 39 %, ceux ayant installé un appareil acceptant le paiement sans contact. Sans cash, vous pouvez acheter mais pas n’importe où !