Après trois ans de développement, la start-up messine Vivoka s’apprête à lancer un assistant vocal 100 % « Made in France ». William Simonin qui est le PDG et l’un des trois fondateurs de Vivoka nous dévoile ses projets dans le secteur prometteur de la reconnaissance vocale.
Pouvez-vous nous présenter Vivoka ?
C’est une société basée sur Metz qui compte aujourd’hui douze salariés et qui est spécialisée dans les technologies de reconnaissance vocale et de l’Intelligence artificielle. Nous avons construit ce projet il y a un peu plus de trois ans avec l’ambition de révolutionner le domaine de la domotique. L’idée était de créer une interface qui affiche un petit hologramme – un majordome que l’on a nommé Zac – par l’intermédiaire duquel on puisse contrôler tous les équipements connectés de la maison à la voix. Un système intelligent, d’une simplicité d’utilisation maximale, capable de comprendre des phrases en langage courant du type : « Zac, est-ce que tu peux allumer les lumières, augmenter le chauffage, baisser les volets, etc. » Zac est non seulement capable de comprendre tout ce qu’on lui dit, mais également d’exécuter directement toutes les commandes.
Aujourd’hui, on a ajouté à tout cela une couche d’Intelligence artificielle qui va lui permettre, par l’intermédiaire de certaines technologies de Deep Learning ou autres, d’apprendre en observant et en étudiant le comportement des utilisateurs. Le but est par exemple de pouvoir mettre en place automatiquement des scénarios. On peut imaginer par exemple un scénario dans lequel lorsqu’une personne sort de chez elle, une alerte va remonter sur le système qui va éteindre les lumières, baisser le chauffage pour faire des économies d’énergie, activer l’alarme, etc.
Pour tout ce qui concerne les commandes domotiques, Zac est capable de comprendre des phrases beaucoup plus complexes que Google Home ou Amazon Alexa.
Quelle est la différence entre votre assistant vocal et celui d’Amazon ou de Google ?
Nous avons poussé le concept d’« assistant » pour les utilisateurs le plus loin possible. Avec Amazon Echo ou Google Home, vous allez pouvoir effectuer des paramétrages afin qu’ils se connectent à certains équipements connectés. Il n’y a aucun problème par exemple pour connecter des équipements Nest à Home, car cette société appartient à Google. On peut bien sûr synchroniser un certain nombre d’autres équipements, mais assez rapidement on s’aperçoit que si on veut connecter une alarme par exemple, il va falloir acheter plusieurs passerelles sans quoi elle ne sera pas compatible.
Finalement, ce sont des solutions assez limitées en termes de connectivité, tout simplement parce que leurs cartes électroniques internes ne possèdent pas les émetteurs-récepteurs nécessaires pour activer tous les types de protocoles. Sur Zac, on a intégré par défaut tout ce qu’il faut pour pouvoir contrôler vraiment tous les objets connectés. Par ailleurs, notre technologie de reconnaissance vocale, Lola, est capable de comprendre des phrases beaucoup plus complexes – en langue française uniquement, car il y a de grosses différences entre les langues – que ce que peut faire Google Home par exemple pour la création de scénarios à la voix. Aujourd’hui, si je prononce une phrase comme : « Je veux me lever tous les jours de la semaine à 8 heures en écoutant le dernier album d’ACDC, en ouvrant les volets et en allumant la lumière », Zac va être capable de comprendre et d’intégrer automatiquement ce scénario et de l’exécuter.
Pour faire la même chose avec Google Home, il faut passer par l’application pour créer le scénario brique par brique. Ils n’ont pas poussé jusque-là le concept de la reconnaissance vocale. Home va être en revanche capable de répondre à des questions beaucoup plus génériques n’ayant rien à voir avec la domotique comme « Quel est le nom de l’actuel président français », ou ce genre de choses. Nous sommes beaucoup plus spécialisés dans certains domaines que les Gafa, c’est la grosse différence entre nos produits.
Comment avez-vous fait pour rendre Zac compatible avec tous les objets connectés, alors que les assistants de Google et d’Amazon sont beaucoup plus limités à ce niveau-là ?
Tout d’abord, c’est un choix technique. Sur notre hardware, nous avons directement inclus le maximum de protocoles tels que Z-Wave, l’EnOcean, le KNX, le Bluetooth, etc., pour pouvoir proposer la compatibilité la plus vaste possible. De son côté, Google a fait le choix de se limiter à certains d’entre eux, car son but est de proposer un produit pas cher et de travailler ensuite sur la data en collectant un maximum de données utilisateur. Ensuite, nous avons également travaillé en partenariat avec une quarantaine de marques (Philips, Fibaro, Arlo, Withings, Divacore…) pour intégrer une couche supplémentaire à notre système afin qu’il soit directement compatible avec leurs produits. Cela nous permet aujourd’hui de vraiment couvrir la totalité des objets connectés du marché.
Pourquoi avoir créé un hologramme ?
Pour répondre à cette question, il faut que je remonte à la genèse du produit. Au tout début, on avait créé une solution qui n’avait pas du tout d’hologramme, c’était un simple boîtier. On a fait des tests d’utilisateurs qui ont bien fonctionné, mais on s’est vite rendu compte que les gens n’étaient pas à l’aise. C’est le même constat qu’avec Siri d’Apple, on a du mal à parler à son téléphone ou à un cube. Nous sommes des humains qui avons l’habitude de parler à d’autres humains, donc on s’est dit qu’il fallait personnaliser et personnifier notre système avec un personnage. On a voulu quelque chose qui soit à la fois attachant et un peu sérieux quand même. Finalement, on s’est orienté vers un animal, un raton laveur, que l’on a vêtu comme un majordome. Ensuite on a décidé de l’afficher sous la forme d’un hologramme pour le côté un peu futuriste et innovant.
Quand allez-vous lancer le produit et à quel prix ?
Nous avons lancé l’industrialisation du produit au mois de septembre dernier et commencé à communiquer dessus début janvier au salon du CES de Las Vegas. Pour le moment, nous ne pouvons pas donner un ordre de prix ni une date de commercialisation, car nous travaillons encore sur le conditionnement du produit. Ce que nous pouvons dire en revanche, c’est que si Zac devait être commercialisé aujourd’hui, il coûterait plus cher que les assistants Google Home ou Amazon Echo. Nous ne pouvons pas encore l’annoncer officiellement, mais nous ciblons en priorité le secteur B2B dans l’immobilier haut de gamme et certains hôtels. À terme, l’idée est de s’ouvrir sur d’autres marchés, mais pour le moment il est beaucoup plus simple pour nous d’équiper un client qui va avoir cent appartements, que cent clients qui vont équiper chacun un appartement.
Visez-vous uniquement le domaine de la domotique ?
L’année dernière avec l’arrivée des Gafa sur ce marché, on a eu énormément de demandes autour de la technologie de reconnaissance vocale. C’est pour cela que cette année, on a profité du CES de Las Vegas pour ouvrir notre technologie à d’autres domaines. Il y a vraiment beaucoup d’effervescence autour des interfaces homme-machine via la voix. En creusant un peu, on a constaté qu’il n’y avait finalement pas beaucoup de sociétés comme la nôtre ayant misé très tôt sur la reconnaissance vocale. Notre technologie peut s’adapter à de nombreux autres secteurs et c’est la raison pour laquelle nous avons commencé à spécialiser notre IA. Dans le cas de la grande distribution par exemple, il existe des applications pour faire vos courses et aller les chercher ensuite dans un Drive.
Avec notre technologie, il est possible d’ajouter à ces applications des fonctions permettant d’exécuter des commandes vocales complexes telles que : « J’ai envie de manger des crêpes, ajoute tout ce qu’il faut à mon panier pour faire des crêpes pour 4 personnes ». En fonction du goût, le système va aller chercher directement la bonne recette, les bons ingrédients sur le stock, et en 2 ou 3 secondes on réussit à faire une recherche qui en temps normal prendrait 3 ou 4 minutes. J’aurais pu dire également : « J’ai envie de faire un repas pour moins de 50 euros, propose-moi une liste de course », et cela fonctionne ! « Ce sont des exemples parmi beaucoup d’autres de ce que l’on peut automatiser grâce à notre technologie de reconnaissance vocale qui constitue notre vrai cœur de métier. »
Vivoka a récemment levé 1 million d’euros pour commercialiser son assistant vocal holographique.