Non, vous n’avez pas (toujours) à déverrouiller votre téléphone en garde à vue

Si la disposition 434-15-2 du Code Pénal est bel et bien constitutionnelle, cela n’implique pas pour autant qu’un gardé à vue soit dans l’obligation de livrer les codes de déverrouillage et les mots de passe de ses terminaux. Telle est la conclusion rendue en avril par la cour d’appel de Paris.

Dans une affaire de détention de stupéfiants, le gardé à vue avait refusé de fournir le mot de passe de ses téléphones. Un délit selon la police, en vertu de l’article 434-15-2 du Code Pénal, qui punit de trois ans d'emprisonnement et de 270 000 € d'amende « le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre, sur les réquisitions de ces autorités ».

En mars 2018, le Conseil Constitutionnel saisi de cette affaire rendait un avis reconnaissant la constitutionnalité de cette disposition. Mais en avril 2019, nous apprend Le Parisien, la cour d’appel de Paris n’a pas retenu l’accusation de « refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie ». En effet, élément retenu par le Conseil Constitutionnel, la remise des « moyens de cryptologie » doit émaner « uniquement d'une autorité judiciaire ».

Un code Pin n’est pas une clé de déchiffrement

Or « il ne ressort d’aucun élément de la procédure qu’une réquisition ait été adressée par une autorité judiciaire à Malek B. de communiquer ce code de déverrouillage ou de le mettre en œuvre, le prévenu ayant seulement refusé de communiquer ce code à la suite d’une demande qui lui a été faite au cours de son audition par un fonctionnaire de police » écrit la cour d’appel.

Plus important encore, la cour considère dans son verdict qu’un « code de déverrouillage d’un téléphone portable d’usage courant, s’il permet d’accéder aux données de ce téléphone portable et donc aux éventuels messages qui y sont contenus, ne permet pas de déchiffrer des données ou messages cryptés ». Ainsi, puisqu’un code PIN ne permet pas de déchiffrer des messages chiffrés, il ne constitue pas « une convention secrète d’un moyen de cryptologie ».

Pas de PIN en GAV !

Voilà donc qui risque de faire jurisprudence, puisqu’il est reconnu que sans réquisition judiciaire un gardé à vue ne peut faire l’objet de poursuite au motif qu’il a refusé de donner ses codes d’accès et que, en outre, ces mêmes codes, puisqu’ils ne permettent pas de déchiffrer du contenu, ne peuvent être considérés comme des clés de déchiffrement. Ils ne tombent donc pas sous le coup de la disposition du Code Pénal.