Les quatre opérateurs français détiennent désormais les licences d’exploitation de la 5G sur la bande des 3,5 GHz. Mais ce n’est qu’une première étape. À venir : les autorisations d’émission, la couverture de 3000 sites d’ici à 2022, le passage au cœur de réseau 5G et l’ouverture des fréquences «millimétriques », sur la bande des 26 GHz puis des 40 et 60 GHz. L’extinction de la 2G et de la 3G pourrait survenir, respectivement, en 2030 et 2025. Quant à la 4G elle pourra « survivre » au moins une décennie.
« Oui, la France va prendre le tournant de la 5G parce que c’est le tournant de l’innovation ! », déclarait Emmanuel Macron, en septembre dernier, face à une centaine d’entrepreneurs de la French Tech réunis à l’Élysée. Le président de la République se voulait rassurant sur le déploiement de la téléphonie mobile de cinquième génération en France, qui a déjà accumulé de sérieux retards. Depuis deux ans, des offres commerciales ont déjà été lancées en Asie (Chine, Corée du Sud, Japon), aux États-Unis, dans une quinzaine de pays de l’UE (Allemagne, Italie, Espagne, Royaume-Uni…), ainsi qu’à Monaco (lire encadré). Parmi les causes de ce retard français, des désaccords entre Bercy et l’Arcep sur « l’étendue exacte du spectre mis aux enchères et le prix plancher », indiquait l’agence Reuters en novembre 2019. Le sujet reste également très polémique dans l’Hexagone où certains élus freinent des quatre fers sur le déploiement de la 5G. « Il est urgent d’attendre », lançait ainsi en octobre dernier Martine Aubry, la maire de Lille, qui a fait voter un moratoire retardant le déploiement de la 5G dans la capitale des Flandres. « Parce que nos doutes persistent tant du point de vue sanitaire que de la sobriété numérique sur le déploiement de la 5G », a déclaré l’ex-ministre. Même si le débat est loin d’être clos, le train est lancé. Début octobre, les enchères pour l’attribution des précieuses premières licences 5G étaient bouclées. Les opérateurs mobiles ont déboursé près de 2,8 milliards d’euros pour pouvoir exploiter la 5G sur la «bande cœur» des 3,5 GHz (de 3,4 à 3,8 GHz). Ils se partagent ainsi les 310 MHz de spectre hertzien, avec le bloc le plus large pour Orange (90 MHz), suivi par SFR (80 MHz), Free Mobile (70 MHz) et Bouygues Telecom (70 MHz). Les opérateurs mobiles ont également commencé à dévoiler leurs premiers forfaits «compatibles 5G». Sans réelle explosion des prix, ils sont surtout marqués par le gonflement des volumes de data, pouvant dépasser les 100 Go. Orange propose même une formule avec « data illimitée » pour une centaine d’euros par mois. Techniquement, ces forfaits seront exploitables vers la fin 2020, date à laquelle les réseaux 5G des opérateurs devraient être opérationnels. Car il demeure encore deux étapes à passer avant que les opérateurs puissent exploiter leurs licences.
« Nous entrons désormais dans la phase des enchères de positionnement dans la bande », explique-t-on chez Orange, à la mi-octobre. Cette étape doit normalement être bouclée, au plus tard, début novembre. À l’heure où nous écrivons ces lignes, les résultats des secondes enchères ne sont pas encore connus. Quel est le but de l’opération? « C’est un peu comme construire une autoroute », résume Stéphane Allaire, directeur du programme 5G chez Bouygues Telecom. « Nous connaissons désormais le nombre de voies qui sont attribuées pour chaque opérateur. Les enchères de positionnement consistent à déterminer où vont être situées ces voies sur le spectre 3,4 à 3,8 GHz : au centre, aux extrémités du spectre… Il y a notamment des critères d’équipements et de contexte géographique.» Les extrémités de la bande sont également plus propices aux interférences avec d’autres services.
Seconde étape : la délivrance des autorisations d’utilisation des fréquences par l’ANFR (Agence nationale des fréquences). Elle est attendue avant la fin de l’année. Les opérateurs disposeront alors de 15 ans d’exploitation avec la possibilité d’obtenir une prolongation de 5 ans.
Une couverture de 3000 sites en 2022
Comme au début de la 4G, la petite icône « 5G » sur l’écran des smartphones, risque d’être relativement rare début 2021, à moins d’habiter dans une zone urbaine dense. Pour des raisons concurrentielles, les opérateurs se refusent à divulguer les détails de leur stratégie de couverture 5G. Seule information : ils vont se concentrer là où il y a des enjeux de trafic. « Nous déployons progressivement la 5G sur les sites 4G existants des grandes villes et des zones d’activité économique », confie-t-on chez Orange. « Nous allons nous concentrer sur les sites qui ont le plus de besoins en trafic », confirme également Bouygues Telecom.
Il ne s’agira donc pas forcément de territoires entiers, mais parfois de «sites» comme des zones commerciales, des zones d’activité ou des quartiers d’affaires. Et, afin d’assurer un équilibre entre les territoires urbains et ruraux, les licences prévoient qu’au moins 25% de ces «sites» doivent se situer en zone rurale ou industrielle. Initialement, l’Arcep avait prévu l’obligation d’imposer la couverture 5G dans « au moins deux villes par opérateur avant la fin 2020 ». Mais devant le retard pris par le calendrier, le régulateur des télécoms à lever cette obligation en juin dernier. Les obligations qui demeurent dans les licences sont de couvrir 3000 «sites» en 2022, 8000 en 2024 et 10500 à l’horizon 2025. Les grands axes routiers (16 642 km) doivent également être couverts en 2025 et les routes principales (54913 km) en 2027.
Pourquoi d’abord se concentrer sur des sites à fort trafic ? « Le premier objectif de la 5G est d’accompagner la croissance de consommation de la data qui grimpe de 30 à 40% chaque année. Si nous voulons éviter la saturation des réseaux, il faut déployer la 5G », souligne Stéphane Allaire. « Sinon, d’ici à deux ans, il y aurait un risque d’engorgements sur certaines zones.» Plus que d’accueillir de nouveaux services, la 5G va donc d’abord servir à soulager les réseaux mobiles actuels. D’où ce démarrage dans les sites où la saturation commence à se faire sentir. « Les quatre opérateurs mobiles viennent d’obtenir 310 MHz de fréquence sur la bande des 3,5 GHz. Ils se partageaient auparavant un patrimoine d’environ 600 MHz pour la 2G, la 3G et la 4G, toutes bandes confondues. Ils disposent donc désormais de 50% de capacité en plus », précise Gilles Brégant, directeur général de l’ANFR.
Comment vont-ils déployer leurs antennes 5G ? Dans cette phase d’exploitation sur la bande des 3,5 GHz, aucune multiplication du volume d’antennes n’est attendue. « Le déploiement du réseau 5G se base sur les sites du réseau mobile existant. Des mises à jour des équipements 4G suffisent dans la plupart des cas. Ainsi, avec cette fréquence, il n’est pas nécessaire d’installer des antennes en plus », explique Minggang Zhang, directeur général adjoint de Huawei France. Selon l’ANFR, « Il y a notamment des ajouts de panneaux rayonnants pour émettre sur la bande 3,5 GHz, des changements de cartes informatiques pour la modulation 5G, parfois l’alimentation électrique du mât doit être revue. C’est donc une mise à niveau de l’électronique plutôt que des travaux de BTP.»
Pourtant, la bande des 3,5 GHz est plus haute que celles utilisées aujourd’hui pour la 4G (700 MHz, 800 MHz, 900 MHz, 1 800 MHz, 2,1 GHz et 2,6 GHz). Mécaniquement, la portée des antennes devrait donc être réduite. La solution trouvée par les équipementiers et les opérateurs est d’exploiter la dimension «intelligente» des antennes 5G, pour remédier au problème. Elles sont en effet basées sur le principe du MultipleInput Multiple-Output (MIMO), technique de multiplexage héritée des radar militaires, qui permet des transferts de données à plus longue portée et avec un débit plus élevé. Les antennes 5G sont ainsi capables de concentrer leurs faisceaux vers la zone où il y a le plus de terminaux actifs, selon le principe du «beamforming ». « Les antennes 5G s’orientent dans différentes directions, alors que les antennes 4G proposent une couverture indifférenciée. C’est d’ailleurs leur premier atout », poursuit Minggang Zhang.
« Le beamforming va être déployé tout de suite dans les premiers équipements 5G sur la bande 3,5 GHz », confirme Philippe Mouthon, CTO pour le compte Orange chez Nokia. « Il y aura bien entendu des améliorations dans les années à venir, notamment au niveau de la gestion des interférences entre les différents équipements, qui sont plus compliquées à gérer avec le beamforming de la 5G. Nous travaillons donc sur l’optimisation des algorithmes de gestion d’interférences. L’avantage est que la 5G offre plus de capacité de calcul dans les antennes et les smartphones, ce qui permet des algorithmes plus puissants.»
Dix fois plus de débit, mais pas de latence à la milliseconde
Quelles vont être les performances de la 5G à son lancement? Les acteurs du secteur restent très prudents sur ce point. Rappelons que la promesse de la 5G est d’offrir des débits au moins 10 fois supérieurs à la 4G et une latence 10 fois moindre, de l’ordre de la milliseconde.
En laboratoire, les équipementiers et les opérateurs y sont parvenus. Mais en conditions réelles, c’est une autre histoire (lire notre dossier dans L’Informaticien n°170). « Les débits pics en voie descendante dépassent le Gigabit/s. En débit moyen, plusieurs centaines de Megabit/s sont déjà possibles, contre plusieurs dizaines avec la 4G. Le facteur 10 est donc déjà atteint », assure Philippe Mouthon de Nokia.
Le cabinet Tactis, tempère un peu ces observations optimistes. « Au-début, il y aura un facteur 10 car peu de terminaux exploiteront le réseau 5G. Mais à mesure que le volume d’utilisateurs de la 5G grandira, les débits chuteront. Je pense qu’il est raisonnable de tabler sur un facteur de 5, sur la bande des 3,5 GHz. Ce qui est déjà une importante avancée par rapport à la 4G », indique Julien Renard, expert radio chez Tactis.
« Sur la latence, nous ne sommes pas encore à la milliseconde, qui sera plutôt atteinte avec un cœur de réseau 5G, dit “ standalone ”, car le cœur de réseau reste aujourd’hui en 4G [lire ci-après]. C’est la latence de la 4G qui ralentit un peu celle de la 5G », poursuit-on chez Nokia. Un avis partagé par Huawei. « La latence du réseau reste sensiblement la même que celle du réseau 4G car ces deux réseaux partagent le même cœur », confirme Minggang Zhang.
Ericsson indique pour sa part que la latence atteinte, dans les récentes expérimentations, est de l’ordre des 3 ms sur la bande 3,5 GHz. « Pour la plupart des cas d’usages, une latence de quelques millisecondes offre déjà de grandes avancées », assure Viktor Arvidsson, directeur stratégie et développement industriel d’Ericsson France.
Quels sont donc les usages de la 5G attendus avec les performances actuelles ? Ericsson évoque le streaming vidéo ainsi que la visioconférence, qui est très utilisée depuis la crise sanitaire. « En Corée, pays précurseur de la 5G, les applications ludiques de réalité augmentée ont également décollé avec l’arrivée de la 5G », poursuit Viktor Arvidsson. « Toujours en Corée, la 5G commence à être utilisée en alternative au WiFi dans les entreprises.»
Nokia évoque pour sa part le « gaming » qui va bénéficier des performances de la 5G. Même son de cloches au cabinet Tactis : « La faible latence est décisive pour les gamers et le jeu vidéo est un marché très lucratif, sur lequel se positionnent de nombreux acteurs. Le gaming pourrait donc s’imposer comme un des premiers usages grand public de la 5G », estime Julien Renard.
Bouygues Telecom insiste pour sa part sur la notion d’«interactivité en temps réel». « La 3G a permis de surfer sur l’Internet mobile, la 4G de streamer des vidéos… la 5G va marquer le développement de l’interactivité en temps réel. Avec les débits et la latence de la 5G, l’utilisateur va pouvoir, par exemple, exploiter des outils de traduction instantanée sur son smartphone ou faire effectivement du gaming, secteur où la latence est le nerf de la guerre », confie Stéphane Allaire.
Tous les acteurs évoquent également des usages industriels de la 5G. « La 5G est indispensable pour le développement de la robotique », souligne Orange. Les robots industriels sont en effet de plus en plus connectés, et la latence de la 5G leur permettrait de gagner en réactivité, notamment lors des arrêts d’urgence. Depuis septembre dernier, Orange participe à un pilote d’usine du futur sur le site industriel de Schneider Electric, au Vaudreuil (Eure). Parmi les principaux cas d’usages testés : l’«opérateur augmenté». Un agent de maintenance visualise sur une tablette des informations sur la machine sur laquelle il intervient grâce à la surimpression d’images (réalité augmentée). Un dispositif qui serait bien plus efficace que l’utilisation de manuels techniques papiers.
Plus globalement, la 5G devrait faciliter la connexion sans-fil des machines industrielles qui sont aujourd’hui majoritairement raccordées en filaire. « En étant connectés sans-fil, les équipements industriels pourront être facilement déplacés, afin de rapidement reconfigurer une ligne de production et ainsi gagner en flexibilité, ce qui est un des objectifs de l’usine du futur », indique Viktor Arvidsson.
2023 : l’année pivot
L’Arcep a donné rendez-vous aux opérateurs dans trois ans pour faire un point sur le développement de la 5G en France et notamment le respect de leurs obligations de déploiement. Outre les 3 000 sites couverts, ils doivent également parvenir à un débit au moins égal à 240 Mbit/s sur 75% des sites en 2022. Cette obligation sera progressivement généralisée à tous les sites jusqu’en 2030.
En 2023 au plus tard, l’Arcep demande aussi aux opérateurs d’activer les «fonctions les plus innovantes » de la 5G, à commencer par le «slicing». Il s’agit d’une capacité des réseaux 5G à se «découper en tranche» pour réserver de la bande passante à un usage donné. Le débit et la latence peuvent ainsi être théoriquement garantis, car il n’y a aucun partage de bande passante sur la tranche réservée.
Mais pour proposer ce slicing, les opérateurs vont devoir changer leur cœur de réseau et passer à la technologie «standalone», c’est-à-dire un cœur de réseau spécifiquement prévu pour la 5G. Rappelons qu’aujourd’hui, la 5G est lancée avec un cœur de réseau 4G, selon le principe du «non-standalone». Outre le slicing, un cœur de réseau purement 5G doit aussi permettre de gagner en performances, notamment au niveau de la latence. « La technologie est déjà disponible aujourd’hui. Mais changer un cœur de réseau représente encore de très gros investissements. Les opérateurs se donnent donc un peu de temps, en capitalisant notamment sur une baisse des prix des équipements standalone », commente Julien Renard, chez Tactis. En 2023, la question va également se poser sur l’ouverture de nouvelles fréquences de la 5G. Il s’agit principalement de la bande des 26 GHz qui intègre plus de 3 GHz de nouvelles capacités spectrales (de 24,25 à 27,5 GHz). En laboratoire, Orange ou Bouygues Telecom ont atteint des débits de 15 à 25 Gbit/s sur ce type de fréquence haute, dite « millimétrique ». Revers de médaille, cette bande offre des portées très réduites, de l’ordre de quelques centaines de mètres. S’il n’y a pas d’augmentation du nombre d’antennes sur la bande des 3,5 GHz, ce sera en revanche le cas avec celle des 26 GHz. Pour couvrir des zones denses, comme le centre-ville d’une grande agglomération, il faudra multiplier le nombre d’antennes par 4 ou par 5, par rapport à la 4G, sinon par 10 voire 20 sur les sites à très fort trafic comme un stade ou un quartier d’affaires. « Accueillir cette massification du réseau est une des grandes questions à laquelle seront confrontées les collectivités », souligne le cabinet Tactis. Des antennes 5G devraient ainsi être déployées sur les façades d’immeubles, à quelques mètres de hauteur, et surtout sur le mobilier urbain, comme les abribus où les luminaires d’éclairage public. Depuis 2019, Signify (ex-Philips Lighting) teste par exemple le déploiement d’antennes de téléphonie mobile sur le réseau d’éclairage public de Toulouse.
Le 26 GHz : une technologie de hotspots
Les premières expérimentations de la 5G sur la bande des 26 GHz ont déjà commencé en France. À la fin 2019, l’Arcep a ainsi autorisé 11 expérimentations, qui pourront être menées jusqu’en 2022. Dans deux ans, l’Arcep pourra donc exploiter les retours des acteurs du secteur sur le potentiel technique de cette technologie et ses usages. Cela servira au régulateur des télécoms pour préparer les nouvelles enchères pour l’attribution de cette fréquence. L’Arcep ne communique pour l’instant aucun calendrier pour le lancement de ces enchères, qui devrait cependant intervenir après 2023.
À quoi va servir la bande des 26 GHz ? Les opérateurs et les équipementiers prévoient tout d’abord de l’utiliser pour renforcer la capacité réseau sur certains sites, de manière encore plus localisée que les 3,5 GHz, par exemple des stades, gares, aéroports, salles de concert ainsi que des sites industriels. Il s’agira de créer des hotspots 5G, tels des hotspots WiFi, mais avec des performances incomparables. En gare de Rennes, Orange, Nokia et la SNCF démarrent une expérimentation sur la bande des 26 GHz autour d’un service de téléchargement «quasi-instantané» de contenus vidéo HD. « Les voyageurs de passage en gare de Rennes pourront se connecter aux hotspots 5G, et télécharger, en quelques secondes, des vidéos vers leur mobile ou leur tablette, pour ensuite les regarder dans le train pendant leur voyage », explique-t-on chez Orange. L’avantage de cette solution est de soulager les réseaux WiFi embarqués dans les trains, dont le débit reste inégal. Selon le même principe du téléchargement quasi-instantané, « des voitures connectées, des bus, des trains pourraient charger ou envoyer des données techniques sur des temps très court, lorsqu’ils arrivent par exemple au dépôt. Des navires pourraient faire de même en arrivant au port », confie Philippe Mouthon, chez Nokia.
En Roumanie, Orange a également testé, en 2018, la bande des 26 GHz pour des connexions fixes. Cette 5G FWA (Fixed Wireless Acces) reprend le principe de la boucle locale radio (BLR), déjà popularisée par des technologies telles que le Wimax. « Nous sommes parvenus à atteindre des performances équivalentes à celle d’une connexion fibre auprès de 15 clients résidentiels ainsi que deux clients B2B », indique l’opérateur. Un type d’usage qui concerne cependant un peu moins l’Hexagone où le déploiement de la fibre est relativement étendu. Mais dans certains pays d’Europe, de même qu’aux États-Unis, la 5G sur des fréquences hautes devrait être largement exploitée pour ces liaisons fixes. Enfin, outre les 26 GHz, deux autres bandes pourraient prochainement être ouvertes à la 5G. Il s’agit des bandes de 40,5 à 43,5 GHz et de 66 à 71 GHz. Elles ont été évoquées lors de la conférence mondiale des radiocommunications, qui s’est tenue en novembre 2019 en Égypte. « Nous allons travailler sur ces deux bandes millimétriques pour savoir comment on peut les utiliser en Europe. Leur mode d’emploi sera communiqué, d’ici à 2023, pour la prochaine conférence mondiale », indique-t-on à l’ANFR.
Fermeture de la 3G en 2025 ?
La 5G signifie-t-elle la disparition des précédentes générations de téléphonie mobile ? Arrêter progressivement la 2G et la 3G permettrait de libérer du spectre pour y redéployer de la 5G. Dans cette perspective, les équipementiers évoquent des discussions sur un arrêt possible de la 3G en Europe à l’horizon 2025 et de la 2G en 2030. Pourquoi d’abord fermer la 3G? « La 2G est encore très utilisée dans le domaine de l’IoT », rappelle Philippe Mouthon, chez Nokia.
Rien n’est encore tranché sur ce point au niveau de l’Arcep. Son président, Sébastien Soriano, s’est exprimé sur le sujet en juillet dernier lors d’une table ronde organisée au Sénat. À la question posée par un sénateur sur les possibles fermetures des 2G et 3G, il a répondu : « C’est un sujet auquel nous devons nous atteler à travailler avec le gouvernement, l’Arcep et d’autres institutions. Devons-nous supprimer la 2G ou la 3G? Je m’oriente plutôt vers la 3G, dans la mesure où beaucoup de nos concitoyens utilisent encore la 2G pour se connecter au réseau, tout comme l’Internet des objets qui fonctionne sur la 2G, par exemple dans une machine à café Selecta, nous trouvons une carte Sim 2G!» Quant à la 4G, tous les acteurs du secteur s’accordent à dire qu’elle possède encore de beaux jours devant elle. La 5G et la 4G devraient ainsi cohabiter durant au moins une décennie. « Nous allons continuer de déployer la 4G pour couvrir certaines zones qui n’ont pas encore le haut débit. La 5G et la 4G sont des réseaux complémentaires », conclut ainsi Stéphane Allaire, chez Bouygues Telecom.
Fronde anti 5G
Energivore, dangereuse pour la santé, catastrophe écologique… L’arrivée de la 5G en France a suscité une levée de boucliers d’associations et de responsables politiques. En septembre, une soixantaine d’élus, dont les maires de Bordeaux, Lyon et Marseille, exhortaient le gouvernement à lancer un moratoire sur le déploiement de la 5G, via une tribune publiée dans le Journal du Dimanche. « La technologie 5G est conçue pour permettre des débits dix fois supérieurs à la 4G […] cela aboutira, par effet rebond, à la hausse de la consommation de données […] synonyme d’une très forte consommation d’énergie par la sollicitation des antennes et des serveurs», peut-on y lire. Et sur le plan sanitaire, la 5G risque d’augmenter l’exposition des populations aux champs électromagnétiques. Un risque déjà avancé, depuis plusieurs années, par les associations Priartem et Agir pour l’Environnement. Face à cette fronde anti-5G, l’ANFR a publié en septembre une étude sur l’exposition aux ondes de téléphonie mobile concluant que «Sans 5G, l’exposition du public aux ondes devrait de toute façon continuer de s’accroître pour répondre à la demande croissante en connectivité». Ce n’est donc pas un problème spécifiquement lié à la 5G, estime l’agence. Sur la consommation des équipements : «Elle est moindre en 5G qu’en 4G, car les antennes 5G sont actives et prennent en compte la présence, ou non, de terminaux dans la zone. La nuit par exemple, une antenne 5G peut se mettre en pause», souligne Gilles Brégant, directeur général de l’ANFR. D’autres études sont actuellement menées sur le sujet. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) va publier en 2021 un rapport sur l’exposition des populations à la 5G. De son côté, l’Ademe et l’Arcep préparent une étude sur les «impacts environnementaux des technologies numériques», dont la 5G, qui doit également être publiée en 2021. Le débat est donc loin d’être clos.
Monaco : premier pays totalement couvert en 5G
Depuis juillet 2019, les 2,6 km2 de superficie que représente le territoire monégasque sont totalement couverts en 5G, sur la bande 3,5 Ghz. Un déploiement réalisé par Monaco Telecom et Huawei. Quel bilan en tire aujourd’hui la principauté « La 5G est un élément crucial de notre plan de relance par le numérique, annoncé en septembre dernier. Déjà près d’une dizaine d’entreprises se sont installées sur notre territoire pour développer des solutions autour de la 5G», explique Frédéric Genta, délégué interministériel en charge de la transition numérique. Parmi les premiers cas d’usages : du WiFi public haut débit, raccordé au réseau 5G, couvrant la majeure partie du territoire. Deux drones sont également utilisés par les pompiers pour visualiser les zones de feux, grâce aux vidéos HD exploitant les débits de la 5G. En cours d’expérimentation : une priorisation des bus de transport public aux feux tricolores, grâce à des capteurs vidéo 5G. «Cette priorisation va réduire le temps de trajet des bus et ainsi augmenter l’attractivité de notre réseau de transport en commun, ce qui pourrait réduire la place de la voiture individuelle», poursuit Frédéric Genta.
En 2021, la principauté de Monaco va aussi tester un système de gestion des places de livraison. Des capteurs vidéo 5G vont vérifier que seuls les véhicules autorisés sont stationnés sur ces places réservées. Rappelons également qu’en 2019, Monaco a accueilli une expérimentation de Keolis et Navya autour d’une navette autonome, qui a notamment exploité la 5G pour échanger des données de navigation. «C’est très encourageant. Et les débats sanitaires et écologiques, que nous avons également connus au lancement, sont aujourd’hui largement retombés », conclut Frédéric Genta. Pour calmer les esprits, Monaco a notamment pris des engagements, comme l’arrêt de la 2G, d’ici un à deux ans, pour limiter l’exposition aux ondes électromagnétiques.