En juin, la Préfecture de Police continuait d'utiliser des drones lors de manifestations
Non câest non ! MalgrĂ© un premier arrĂȘt dĂ©favorable du Conseil dâĂtat, la police continuait de faire voler ses drones, dĂ©sormais au-dessus des manifestations. DeuxiĂšme salve du juge, que vient de rejoindre la Cnil qui rappelle Beauvau Ă lâordre quant Ă lâutilisation illicite de ses drones.
Mi-mai 2020, le Conseil dâĂtat dĂ©fendait strictement Ă la PrĂ©fecture de Police dâutiliser ses drones, faute de cadre lĂ©gal. âIl rĂ©sulte de lâinstruction que les appareils en cause sont susceptibles de collecter des donnĂ©es identifiantes et ne comportent aucun dispositif technique de nature Ă Ă©viter, dans tous les cas, que les informations collectĂ©es puissent conduire, au bĂ©nĂ©fice dâun autre usage que celui actuellement pratiquĂ©, Ă rendre les personnes auxquelles elles se rapportent identifiablesâ Ă©crivait le juge saisi en rĂ©fĂ©rĂ© par la LDH et la Quadrature. Soit un usage contraire aux rĂšgles de protection des donnĂ©es personnelles et qui nâest encadrĂ© par aucun test.
Ballet aérien
Quelques semaines plus tard, lors des manifestations de juin, que voit-on Ă Paris ? Des policiers opĂ©rant des drones afin de surveiller les collĂšges. A croire que la PrĂ©fecture de Police nâa pas Ă©tĂ© informĂ©e de la dĂ©cision du Conseil dâĂtat. Ni une, ni deux, la Quadrature du Net saisit Ă nouveau le Conseil dâĂtat, qui rend un verdict similaire et âenjoint au prĂ©fet de police de cesser, sans dĂ©lai, de procĂ©der aux mesures de surveillance par drone des rassemblements de personnes sur la voie publiqueâ.
Mais le Conseil dâĂtat nâest pas le seul Ă se pencher sur le sujet. AlarmĂ© par les articles de presse relatifs aux vols des drones policiers, la Cnil a menĂ© dĂšs mai 2020 plusieurs contrĂŽles. Le gendarme des donnĂ©es personnelles sâest mĂȘme rendu en juillet 2020 âdans les locaux de la prĂ©fecture de police de Paris et a fait procĂ©der Ă un vol dâessai dâun des drones utilisĂ©s pour les finalitĂ©s prĂ©citĂ©esâ. Le 12 janvier, la Cnil publie sa dĂ©cision et sanctionne le ministĂšre de lâIntĂ©rieur.
La police hors-la-loi
En effet, suite Ă cette visite Ă la prĂ©fecture, le rĂ©gulateur a constatĂ© que âles personnes filmĂ©es par ce type de dispositif Ă©taient susceptibles dâĂȘtre identifiĂ©esâ, soit un traitement de donnĂ©es personnelles qui ne repose sur aucune base lĂ©gale : la Cnil lance la procĂ©dure de sanction. Car il nâexiste pour lâheure aucun texte de loi, aucune analyse dâimpact, autorisant lâIntĂ©rieur Ă utiliser des drones munis de camĂ©ras. Pire encore, âle public nâĂ©tait pas non plus informĂ© de lâutilisation des drones comme il aurait dĂ» lâĂȘtreâ Ă©crit la Cnil.
Beauvau pointe pour sa dĂ©fense avoir dĂ©veloppĂ© un systĂšme de floutage des personnes figurant sur les images, opĂ©rationnel en aoĂ»t, soit trois mois aprĂšs la premiĂšre dĂ©cision du Conseil dâĂtat), et surtout exĂ©cutĂ© a posteriori : âdes images contenant des donnĂ©es personnelles sont donc collectĂ©es, transmises et traitĂ©es par le ministĂšre de l'IntĂ©rieur avant que ce systĂšme de floutage ne soit appliquĂ©â. Cerise sur la gĂąteau : le systĂšme permet Ă la police de dĂ©flouter les personnes, ce qui nâempĂȘche donc pas ânĂ©cessairementâ lâidentification.
Grognonne, la Cnil rappelle Ă lâordre lâIntĂ©rieur, sans pouvoir prononcer de sanction financiĂšre. Surtout, elle âenjoint au ministĂšre de cesser, sans dĂ©lai, toute utilisation de drone jusquâĂ ce quâun cadre normatif autorise un tel traitement de donnĂ©es personnelles ou jusquâĂ ce quâun systĂšme technique empĂȘchant toute identification des personnes soit mis en Ćuvreâ. Et contrairement aux dĂ©cisions du Conseil dâEtat, qui ne sâadressait quâĂ la PrĂ©fecture de police de Paris, celle de la Cnil couvre lâintĂ©gralitĂ© du territoire.